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  • Photo du rédacteurMax & Mama

Une rencontre inédite avec le grand méchant loup

C’est sous une forte pluie que nous arrivons, après avoir roulé plusieurs kilomètres sur une route en piteuse état, chez Gilles et Marie : nous sommes le 10 Mai, il est 14 heures.

Nous nous garons et voyons Kevin, jeune auvergnat travaillant ici depuis maintenant un an, arriver vers nous et accompagné de son superbe chien, un husky aux poils roux. Nous nous présentons puis nous dirigeons vers la maison de Gilles et Marie.


Nous toquons, Gilles nous ouvre ; nous découvrons alors un homme d’une cinquantaine d’années, haut de ses 1 mètre 85, en tenue style camouflage militaire, à l’aise dans ses grosses bottes (sûrement très utiles l’hiver), et où ses longs cheveux sont tenus à l’aide d’un bandana noir. Première impression : quel homme !

« Donnez-moi 5 minutes et je vous rejoins. En attendant, allez faire un tour au chenil en compagnie de Kevin : ça vous mettra dans l’ambiance. » Nous dit-il de sa voix roque.


Nous allons donc vers le fameux chenil, situé juste derrière la maison. Nous entendons aboyer de plus en plus fort. C’est là que Kevin nous dit : « Vous aimez les chiens nordiques ? » « On adore ! » « Vous n’en avez pas peur ? » « Euh, non », je réponds d’un regard rapide vers Marion. « Parfait ».


Nous rentrons alors dans cet univers incroyable : se dresse devant nous, toujours sous une forte pluie, pas moins de 66 chiens ! Tous attachés à une chaine, ils sautent, aboient, tournent, bref, un vrai spectacle.


Parmi les 66 chiens, on y trouve de nombreux malamutes, husky, groenland et alaskan, ainsi que des bâtards ; et tous sont visiblement prêts à trainer le traineau des heures ! Malheureusement, ça ne sera pas pour tout de suite les chiens, il faut maintenant attendre l’hiver prochain ! En attendant, ils se contenteront des balades dans la forêt de plusieurs heures et plusieurs fois par semaine, par groupe de 20 (heureusement, il y a de l’espace !).


Nous prenons le temps de tous les caresser, un par un. C’était très impressionnant au début, puis on s’y habitue et on se rend compte que malgré leur musculature et leur surexcitation, se sont en réalité de vrais nounours.


Compliqué de prendre des photos avec ce temps... D'autres photos des chiens seront visibles à la fin de l'article !

A l’enclos de gauche, les 40 mâles, à celui de droite, les femelles : la reproduction est encadrée.


Nous sortons quelques dizaines de minutes après, trempés, les mains pleines de poils et les habits dégoutants, mais ravis de cette première expérience !


Nous rejoignons alors Gilles, qui nous explique que le territoire des loups et notre hébergement sont à un kilomètre plus loin. On remonte alors dans la voiture. C’est parti.

3 minutes plus tard, nous y sommes. Nous descendons de la voiture, Gilles ouvre un grand portail en bois, et nous découvrons alors un environnement qui a l’air immense, encore enneigé pour une grande partie, avec surtout face à nous la première meute de loups arctiques. Stupéfiant. Nous marchons près de leur territoire, délimité par un grillage en acier, et sommes surpris de voir que les loups ne s’éloignent pas, mais au contraire, s’approchent de nous !


Nous continuons notre chemin vers un petit refuge, abritant les toilettes, douches et cuisine communes, le tout décoré d’articles, de photos, de tableaux de... loups.

Nous traversons par la suite deux nouveaux enclos abritant respectivement une dizaine de loups, mais cette fois-ci, on constate que ceux-là sont plus réservés, voire sur leurs gardes en nous voyant.


Première question : pourquoi les loups du premier enclos étaient si accueillants, alors que les deux autres meutes sont plus craintives ? Bizarre.


Nous arrivons alors à notre tente, au beau milieu de 10 hectares de forêt abritant 30 loups, arctiques et gris. C’est là que nous passerons la nuit.



Gilles nous explique le fonctionnement du poêle, ainsi que son parcours et sa passion (ou devrais-je dire son obsession ?) pour les loups.



Gilles est d’origine marseillaise. Titulaire d’un BE d’activités et sports de plein air, d’un BE Kayak et d’un BE en boxe française, cet homme de la nature a tout plaqué pour venir réaliser son premier projet au Canada en 1986 : créer sa meute de chiens afin de proposer des activités de chiens de traineau l’hiver, et des activités en pleine nature et notamment de kayak l’été.


Mais au fond de lui, son deuxième projet, ou rêve devrais-je dire, le taraude de plus en plus. Il décide de passer à l’action au début des années 2000.


« Je suis fasciné par les loups depuis toujours. Puis cette fascination est devenue une passion. J’en avais marre d’entendre toutes les conneries de personnes qui pensent connaître mais n’en savent rien en réalité sur ces animaux incroyables. Alors, j’ai décidé d’avoir mes propres loups et de créer ce parc, avec pour objectif de démystifier la fausse image qu’on a de lui, et de permettre aux passionnés de vivre leur rêve en passant du temps au plus proche d’eux. Demain, je répondrai à toutes vos questions durant l’activité « Contact ». Pour l’instant, profitez de ce moment, observez le comportement de chaque meute, et à demain ».


J’en perds mes mots. Hallucinant.


Malgré un temps vraiment décevant, nous mettons assez d’écorces de bouleau et de bûches de tremble dans le poêle afin de réchauffer la tente avant de nous équiper pour passer les prochaines heures dehors, avec les loups.



Chaque enclos de plus ou moins 3 hectares a été conçu dans le but de représenter au plus précis l’environnement naturel de ce « canidé lupus lupus », existant depuis des dizaines de milliers d’années et ascendant direct du chien.


Au travers de chaque meute, nous observons des caractères bien distincts, avec des loups craintifs vis à vis de nous ou même vis à vis des autres loups, d’autres plus dominants, d’autres encore très curieux quand on s’approche ou méfiants pour certains. Nous observons même une « bagarre » entre deux d’entre eux. Terrifiant.







Quelques heures plus tard, nous rentrons au chaud au petit refuge pour nous faire cuire les pâtes achetées dans la matinée et en profitons pour lire chaque article et panneau d’informations présents dans la pièce. Nous avons pris les principales en photo afin de les partager avec vous.













Lettre de Gilles



Méthode de chasse à l'orignal


Dessins retraçant le parcours du louveteau avant de s'intégrer pleinement à la meute.. ou de créer la sienne !!





Intéressant de comprendre pourquoi le loup est devenu le "Grand méchant loup"







Sur les coups de 20 heures, alors qu’il fait déjà bien nuit, nous décidons de faire un dernier tour dans cette forêt obscure avant de rentrer dans notre tente, et avons la chance d’assister à quelque chose d’exceptionnelle : le hurlement respectif de chaque meute. Quel beau cadeau que nous offre les loups ! D’après Gilles, le hurlement du loup est avant tout un moyen de communication, pour par exemple marquer son territoire auprès d’autres loups.



Nous rentrons dans notre tente, remettons du bois à brûler, et nous installons dans notre duvet, prêt à passer une nuit dans cet environnement à la fois fantastique et terrifiant.


A 4 heures 30, premier réveil : les loups se mettent à hurler à la mort. Un réveil peu commun, mémorable.


6 heures 30, deuxième réveil, et cette fois-ci pas question de se rendormir, les loups m’appellent ! Je prends mes affaires bien chaudes grâce au feu, remets une bûche pour que Marion puisse dormir encore une heure ou deux bien au chaud, et m’engouffre dans cette nature se réveillant tout juste elle aussi. Un petit lièvre me dit alors bonjour : lui aussi a dû profiter de la chaleur du poêle !



La plupart des loups dorment ou du moins somnolent encore (le loup dort peu et par intermittence), exceptés quelques loups du premier enclos. Comme hier, ils viennent me voir et se collent au grillage ! « Me demanderaient-ils des câlins ? Non, ce sont des loups voyons ! » Me dis-je. Puis, au bout de quelques minutes, je décide de passer ma main au travers : je touche pour la première fois la fourrure d’un loup ! Il a l’air d’aimer ça. Quelques instants plus tard, il me léchera même la main. Je suis complètement émerveillé et sous le choc. Je cours à la tente et fais part de cette expérience à Marion. Elle me rejoint alors, et en touche un aussi. Elle non plus n’en croit pas ses yeux.






En attendant 9 heures 30, heure à laquelle nous avons rendez-vous avec Gilles pour notre activité « Contact » qui nous excite et nous intrigue, nous prenons un bon petit-déjeuner, pour prendre des forces avant d’affronter le grand méchant loup.


9 heures et demi : Gilles arrive. Durant plus d’une heure, il nous donnera une quantité énorme d’informations sur les loups et le monde dit « sauvage » en général. Pour lui, l’Europe a construit un système contre naturel, en marge de la nature. Et c’est pour cela que nous allons droit dans le mur, car « à force de vivre contre le monde qui nous héberge, nous nous rendons craintifs et vulnérables. Le loup en est le parfait exemple : regardez tous les problèmes qu’on a aujourd’hui avec le loup en France. Si nous n’avions pas éradiquer le loup il y a quelques années, si nous avions appris à vivre avec lui dès le départ, alors nous aurions des solutions viables pour tous, les habitants, les fermiers et les agriculteurs. Au-delà de ça, nous avons choisi la manière la plus facile, l’éradication. Aujourd’hui, le loup se réintroduit en Italie, en Espagne et dans le Sud de la France, et c’est fondamental pour l’équilibre de notre écosystème. Mais malheureusement, on ne sait plus le gérer, et ce qu’on ne maitrise pas nous effraie. »


Puis, il nous dresse le constat assez catastrophique de tous les environnements où le loup vivait et où il a été chassé voire éradiqué.


« Le loup, contrairement à ce que l’on peut penser, n’est pas un bon chasseur, et c’est pourquoi il vit souvent en meute, afin de se donner plus de chance d’attraper ses proies et donc de survivre. Le loup s’attaque donc en priorité aux animaux faibles, ou malades. Et c’est en ça qu’il est fondamental : en tuant les plus faibles, non seulement il rend service à l’espèce chassé car seuls les plus utiles et les plus forts survivent, mais en plus, il évite la contamination d’autres espèces. Puis, les carcasses des animaux tués par le loup servent aussi de repas à de nombreux autres animaux (un animal tué permet à en moyenne 5 autres de se nourrir). »




Exemple de l'utilité du loup dans l'environnement


Enfin, il nous expliquera que le loup est l’animal pouvant s’adapter au mieux à toutes les situations, ce qui le rend bien plus intelligent que la plupart des autres et ce qui explique le fait qu’on estime son existence à plus ou moins 800.000 ans.


Puis arrive l’heure fatidique : nous allons rentrer dans le territoire des loups !


« Nous allons rentrer dans le premier enclos, car c’est seulement dans celui-ci qu’il est possible de les approcher. Les 6 loups qui constituent cette meute sont des loups imprégnés, c’est-à-dire que ce sont des loups qui dès le plus jeune âge ont été nourris au biberon par l’homme, autrement dit par moi-même. Ils ont également été au contact d’autres humains dès leurs premiers mois, ce qui explique le fait qu’ils ne soient pas craintifs, voire même demandeur de caresses pour certains. Les loups des deux autres meutes sont beaucoup plus sauvages, et c’est de toute façon mon souhait : avoir une meute de loups imprégnés, et en garder deux de loups sauvages afin de continuer à étudier leur comportement et de, en aucun cas, dénaturer ce qu’ils sont. »


« Mais on pourrait presque comparer les loups imprégnés de la première meute à des chiens alors ? » demande Marion.


« Bonne question, mais en aucun cas nous ne pouvons les comparer aux chiens. Génétiquement, ce sont des loups à 100%, ce qui veut dire qu’ils ont l’odorat et l’ouïe bien plus développés que n’importe quel chien, et ont l’instinct du loup et donc le côté imprévisible qui va avec. Si vous assistez à des séquences violentes entre eux, vous ne vous poserez même plus la question de savoir si ce sont des loups ou des chiens. Il y a 3 semaines, j’ai assisté à une mise à mort entre trois loups, où deux se sont jetés sur une pour la tuée, sûrement pour prendre sa place, ou peut-être par jalousie vis-à-vis de moi. Pour la première fois, j’ai dû intervenir, et ai attrapé les deux louves par le cou pour les jeter en arrière et sortir de l’enclos celle qui se faisait éliminer. Le lendemain, j’avais une activité « Contact » justement. J’ai dû l’annuler, car je sentais les loups encore trop nerveux. Avec les chiens, on ne peut pas avoir ces problèmes là... sauf quand ils sont dressés à mal. Il faut aussi savoir que les loups ne peuvent en aucun cas être dressés. Ces loups apprécient le contact de l’homme, mais ça s’arrête là. Jamais ils ne me laisseront leur donner un ordre. »


« Et à quel moment obtient-on des chiens alors ? » je demande.


« Pour avoir un chien, nous sélectionnons les deux loups les plus dociles d’une meute. Puis nous les faisons se reproduire. Nous répétons ce phénomène durant 10 à 20 générations. Peu à peu, les caractéristiques primaires du loup diminuent. Nous mettons en contact chaque louveteau avec l’homme le plus tôt possible, progressivement. Puis nous obtenons un chien. Mais il est important de comprendre une chose : nous ne pouvons pas domestiquer le loup, mais pouvons domestiquer l’espèce. »


Par la suite, nous signons une décharge, exprimant le fait que nous sommes conscients que l’activité est dite « à risque » et que nous entrons dans l’enclos en connaissance des risques éventuels. Gilles nous rappelle les gestes à ne pas faire ou les comportements à ne pas avoir une fois sur leur territoire. C’est noté.


Nous sortons du petit refuge et nous dirigeons tout droit vers l’enclos. Notre cœur bat vite, très vite. Nous sommes excités, mais avons aussi un peu la frousse, c’est vrai.

Gilles ouvre la première porte. Les loups, qui étaient assis, se lèvent et nous regardent. Gilles ouvre la deuxième porte, entre et la referme. Les loups l’ignorent, et continuent de nous fixer. A ce moment-là, on se demande ce qu’ils pensent ! « Pensent-ils que nous sommes leur déjeuner ? »




Puis, c’est à notre tour.


Les loups s’approchent, doucement, et continuent de nous regarder, de leurs yeux perçants. Gilles observe tout attentivement. Il nous demande de nous arrêter et d’attendre : les loups doivent nous sentir... ils ne laissent visiblement pas rentrer n’importe qui sur leur terre ! Un, deux, puis trois se collent à nous... Mon dieu, ils sont là !!





Nous leur tendons alors doucement notre main, et obtenons une léchouille : la tension redescend un peu. Nous continuons notre marche, et eux marchent près de nous.



Puis, une fois à l’entrée de la forêt, nous nous arrêtons. Dans un premier temps, Gilles s'abaisse...




Et nous propose d'en faire autant : les loups se rapprochent. Le contact est établi. S’en suit plusieurs dizaines de minutes de câlins, de caresses... et de léchouilles sur le visage ! INCROYABLE. On n’en croit pas nos yeux.










Se faire lécher le visage par un loup, une sensation hors norme

On se rend compte que nous ne sommes presque plus sur nos gardes, jusqu’à ce que deux d’entre eux se montrent les crocs mutuellement. Ils se test, se courent un peu après, d’autres arrivent et se mordent par derrière, bref une scène assez terrifiante, surtout quand on est à quelques mètres d’eux ! Et si pendant quelques minutes on en oubliait presque que c’était des loups, je peux vous assurer que la férocité qu’ils dégagent dans ces moments de tension nous ramènent à la réalité !!



« Finalement, pas sûr de les vouloir à la maison ! » me dit Marion un peu paniquée.



Gilles nous dit de laisser faire, puis les câlins reprennent alors, jusqu’à l’arrivé de Kevin et des dizaines de kilos d’orignaux crus pour leur repas (ils ont, en hiver, 2 à 3 repas par semaine, chaque repas comprenant environs 5 kg de viande chacun, et en été 1 par semaine).



Nous assistons à une partie de leur repas, puis sortons de l’enclos.



Fasciné par les loups, ce fût un des moments les plus dingues de toute ma vie. Pour Marion aussi, ce fût très fort, et je ne parle pas que du moment où nous étions dans l’enclos avec eux, même si ça a été la partie la plus riche en émotions et en sensations.


C’est ici le seul endroit au monde où il est possible d’approcher des loups de si près. D’autres essais ont été faits, mais ce fût en grande partie des échecs, pour des raisons diverses et variées. La législation est très stricte et ce dans tous les pays, c’est pourquoi Gilles a dû se battre pour arriver à cela. Il a d’ailleurs le statut de privé, car c’est seulement à cette condition que l’activité « Contact » est aujourd’hui possible, mais en cas de problème, malgré les décharges, c’est pour lui. Et c’est surtout en ça que nous sommes admiratifs et reconnaissants envers Gilles. Grâce à lui, c’est un rêve réalisé et des souvenirs plein la tête qui nous habitent désormais.



Avant de quitter cet endroit hors du temps, nous faisons un tour (qui était censé être rapide mais qui dura en fait plus d’une heure) au chenil : sans la pluie, c’est plus agréable ! Nous reprenons le temps de tous les caresser, et assistons à leur déjeuner, un vrai spectacle !








L'heure du repas...

... On ne rigole pas avec ça !

Et gare à toi si tu me piques mes croquettes !

Nous échangeons quelques minutes avec Kevin, qui nous amènera voir des chiots malamutes d’un mois, horriblement craquants.




C’est sur cette belle note que nous reprenons la voiture, afin de nous en aller pour de nouvelles aventures, que nous ne manquerons pas de vous raconter dans nos prochains articles !




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